Collecte – La France à contre-courant de l’Europe

La France à contre-courant
Hé, hé, hé, les gars ! C'est par où la collecte ?

Infographies – Les fonds UCITS ont enregistré la meilleure collecte de leur histoire en 2021, battant largement les FIA, selon le dernier rapport de l’EFAMA. Mais ce n’est pas grâce à la France…

Les gestionnaires d’actifs ont décidément de quoi être nostalgiques de 2021. L’an dernier, les fonds UCITS ont enregistré la meilleure collecte de leur histoire : 812 milliards d’euros, selon le Fact Book 2022 publié ce jeudi 23 juin par l’EFAMA. Cet afflux d’argent s’est majoritairement orienté vers les fonds UCITS actions. Ceux-ci ont en effet capté la moitié (405 milliards d’euros) de la collecte totale . Un montant largement au-dessus du précédent record (162 milliards), marqué en 2017. Les fonds obligataires et multi-asset ne sont pas en reste, avec respectivement 182 milliards et 202 milliards d’euros de collecte nette. Les fonds monétaires ont en revanche subi 2 milliards d’euros de retraits nets.

Ce n’est pas une surprise compte tenu de l’important nombre de UCITS qui y sont domiciliés : le Luxembourg arrive largement en tête des plus gros collecteurs, avec 348 milliards d’euros. Le Grand-Duché est suivi de l’Irlande (238 milliards) et – de loin – du Royaume-Uni (43 milliards), de la Suisse (34 milliards), de l’Espagne (28 milliards) et de l’Allemagne (27 milliards). A contrario, la France réalise une véritable contreperformance. Elle a en effet enregistré une décollecte nette de 4,8 milliards d’euros l’an dernier sur ses UCITS.

Les fonds alternatifs à la traîne

L’histoire est toute autre en ce qui concerne les fonds alternatifs (FIA). Ces véhicules-là ont en effet collecté « seulement » 77 milliards d’euros en 2021. La faute à 71 milliards de retraits des fonds actions, à 47 milliards de sorties des fonds obligataires et au retrait de 9 milliards d’euros des fonds monétaires. Heureusement, les « autres FIA », qui incluent notamment les actifs alternatifs comme le private equity, ont compensé en captant à eux seuls 149 milliards d’euros. Alors que les fonds multi-asset ont accueilli 40 milliards supplémentaires.

Un pays a particulièrement plombé la collecte des FIA en Europe : les Pays-Bas. « Des évolutions réglementaires ont en effet conduit plusieurs fonds de pension à arrêter de gérer leurs actifs par le biais de FIA et à transférer leurs encours vers des mandats ségrégués », explique Thomas Tilley, senior economist au sein de l’EFAMA. Comme pour les UCITS, les asset managers n’ont pas pu compter sur la France pour redresser la barre. Les FIA français ont en effet vu 3,4 milliards d’euros être retirés l’an dernier. Heureusement, du renfort est venu d’Allemagne (105 milliards collectés), d’Irlande (73 milliards) et du Luxembourg (47 milliards).

L’ESG coule à flots

L’European and Fund Asset Management Association a aussi profité de son bilan annuel pour faire le point sur les principales tendances qui traversent la gestion d’actifs européenne. Incontournable trend, l’ESG continue sa percée au sein des portefeuilles. L’an dernier, les UCITS « durables » ont ainsi vu leurs encours croître de 366 milliards d’euros, pour avoisiner 3 100 milliards. Ils représentent désormais 24% du marché total des UCITS. Plus précisément, les fonds Article 9 au sens du SFDR – les plus contraignants – ont collecté 109,2 milliards d’euros et les Article 9 quelque 256,7 milliards.

Leurs encours respectifs ont ainsi atteint 491 milliards et 2 678 milliards. « Une partie de cette progression résulte toutefois de l’attribution de la qualification Article 8 à des fonds existants, tempère Vera Jotanovic, senior economist au sein de l’EFAMA. Ces montants ne reflètent donc pas uniquement le lancement de nouveaux produits et la collecte. »

L’érosion des frais se poursuit

Après avoir comparé les frais de gestion des fonds européens et américains, l’EFAMA a constaté une poursuite de l’érosion du coûts des UCITS pour les investisseurs. « Globalement, la baisse se poursuit et elle devrait continuer en raison de la transparence accrue sur les frais et des pressions persistantes des ETF sur les facturations de l’industrie », souligne Vera Jotanovic.

Ainsi, les coûts des fonds actions actifs sont passés en moyenne de 1,40% à 1,28% des encours entre 2017 et 2021. Ceux des fonds actifs obligataires ont pour leur part baissé de 0,81% à 0,72%. De leur côté, les prix des ETF actions ont perdu 10 points de base sur la période pour tomber à 0,21%. Alors que le tarif moyen des ETF obligataires a fondu de 7 points de base, à 0,16%.

Mais qu’importe le prix lorsque le rendement est au rendez-vous, n’est-ce pas ? Les gérants actifs seront à ce titre ravis d’apprendre que les UCITS actions ont réalisé une performance moyenne de 12,4% par an entre 2017 et 2021, contre un gain de 8,3% pour les ETF actions. Les investisseurs friands de dette n’en ont en revanche pas vraiment eu pour leur argent. Les UCITS obligataires ont en moyenne performé de 2,4% chaque année sur la période… contre une hausse de 2,2% pour les ETF obligataires.

Vague d’investisseurs étrangers

Autre évolution marquante du secteur, les étrangers s’entichent toujours plus des fonds européens. L’an dernier, la collecte de ces véhicules auprès des investisseurs non-européens a atteint le montant record de 379 milliards d’euros. Sur un total de 1 024 milliards, dont 244 milliards obtenus auprès d’investisseurs domestiques – c’est-à-dire résidant dans le pays de domiciliation du fonds – et 401 milliards auprès de résidents d’autres pays de l’Union européenne.

Les contrées dont les fonds affichent les encours sous gestion les plus largement détenus des investisseurs non-résidents sont de loin l’Irlande (92%) et le Luxembourg (91%). La France joue pour sa part majoritairement à domicile, avec seulement 13% des encours aux mains d’investisseurs étrangers.

Des lendemains qui déchantent

Si 2021 a été une année record à de nombreux égards, le bilan 2022 sera sans doute bien différent. « Ce sera une année plus difficile, reconnaît Thomas Tilley. Les fonds multi-asset résistent mieux que les autres pour l’instant grâce à leur diversification mais nous avons constaté d’importants retraits des fonds obligataires et monétaires. » Reste à voir si ces mouvements se poursuivront au second semestre.

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Après des études en science politique entre Lausanne, Vancouver et Paris, Guillaume décroche son premier job de journaliste à la radio suisse LFM. Concomitamment, la crise des subprimes éclate et donne à ce fils de facteur l’envie de mieux comprendre le monde de l’économie et de la finance. Il rejoint en 2009 le magazine suisse d’asset management Banco, puis Option Finance, Le Revenu et News Asset Pro. Bien que Haut-savoyard, Guillaume ne sait pas skier.