Les CGP nomades – Episode 4 : Prêts pour la sédentarité ?

C’est la dernière étape du voyage entrepris il y a un an par les CGP Nomades à travers la France. Leur séjour breton ne fut pas de tout repos, rythmé notamment par de coûteux caprices de leur emblématique camping-car. De retour en Alsace, Julia et Jean-François tirent le bilan – personnel et professionnel – de leur road trip. Repartiront-ils à l’aventure ?

Par Guillaume Clément

Dans le dernier épisode, nous avions laissé les CGP nomades fin avril à Montpellier. Ils sortaient alors de 90 jours de travail non-stop. Après cette session intensive, les voilà prêts à reprendre la route. Prochaine étape : Toulouse. Ajoutée au dernier moment à leur programme dans le but d’assister à une rencontre de CGPs, cette halte dans la ville rose les a toutefois contraints à annuler leur passage à Bordeaux. « Nous n’aurions pas eu assez de temps sur place pour vraiment nouer des contacts, explique Jean-François (dit « Jeff »). Nous avons donc préféré mettre le cap sur la Bretagne directement. »

Les deux tourtereaux ont donc pris la direction de Nantes… avant de faire une étape à Angoulême. « Outre passer voir une amie, nous voulions nous arrêter en route pour remplir les réservoirs d’eau du camping-car, dont nous avions vidé les eaux grises [celles de la douche, du lavabo…] en partant de Toulouse », raconte Julia. Cet arrêt mi-amical mi-technique leur donna l’occasion de déguster « la meilleure pizza de France », tiennent-ils à signaler, à deux doigts de saliver.

arrivée en bretagne

Le couple arrive finalement à Nantes et trouve un emplacement un peu à l’écart du centre-ville pour installer « Sergio », leur résidence mobile. Mais l’ambiance les refroidit un peu.

Ce n’est pourtant qu’un avant-goût de ce qui attend Julia.

Cet épisode de harcèlement de rue – aussi affligeant que commun – a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase : les CGP Nomades ont levé le camp illico presto.

Accusant une petite baisse de moral à la suite de ce séjour peu concluant, Julia et Jeff ont pris la route de Vannes pour passer quelques jours chez un ami. « Nous n’avons pas beaucoup avancé professionnellement à ce moment-là, reconnaît Jeff. Il faut dire que nous avons eu du mal à trouver des hôtels pour travailler dans cette ville. » Une précision importante car les tourtereaux ont quelque peu changé leurs méthodes de travail au fil de leur périple. Excédés par les problèmes de connexion au sein de leur van – ils avaient d’ailleurs résilié leur forfait Wifi mobile au bout de quelques mois –, ils privilégient désormais les halls d’hôtels ou les restaurants calmes pour travailler. L’assurance pour eux d’avoir généralement une bonne connexion wifi et un peu de confort sans trop dépenser.

baisse de régime à rennes

Privés de cet environnement de travail et pressentant moins d’opportunités professionnelles immédiates à Vannes, Jeff et Julia ont alors repris la route. Direction Rennes, où ils passeront tout le mois de juin.

Mais la fatigue se fait sentir et pas seulement parce qu’une poule les a réveillés une pleine nuit en faisant des allers-retours sur le toit de leur camping-car. Après neuf mois sur les routes, le cœur y est un peu moins qu’au début de l’aventure. « Nous avons consacré moins de temps à sortir rencontrer de nouveaux clients potentiels », se remémore Jeff. « On a tout de même gardé contact avec 2-3 personnes de Bretagne », tient à préciser Julia, soucieuse de ne pas laisser croire que leur étape bretonne fut un échec.

soigner ses relations

Car contrairement aux apparences, les CGP Nomades n’ont pas chômé au pays des druides. « En fait, nous nous sommes dit qu’il serait difficile de nouer des relations de confiance en à peine cinq semaines et qu’il valait mieux à ce stade nous concentrer sur le suivi de notre portefeuille clients existant, poursuit Julia. Nous avons ainsi fait beaucoup de visios avec les contacts que nous avions noués à Montpelier et des personnes recommandées en Alsace afin d’assurer le suivi de ces dossiers. »

Jeff en a d’ailleurs profité pour leur soumettre un questionnaire de satisfaction. « L’un d’entre eux m’a mis la note de 9/10 en précisant qu’il aurait mis 10 si je lui avais apporté des croissants lors de nos rendez-vous, indique-t-il. C’est ce que j’ai fait quelques mois plus tard. »

Cette anecdote illustre bien la nature des relations que nouent les CGP Nomades avec leurs clients. « On s’appelle parfois juste pour se donner des nouvelles et certains nous envoient par exemple des photos de leur potager », indique Jeff. Avec les deux acolytes, les relations professionnelles se muent ainsi parfois en amitiés, et vice-versa. Une singularité qui leur permet de rester confiants dans leurs perspectives.

les malheurs de sergio

Après ces quelques semaines passées à chouchouter leurs clients, les CGP Nomades sont prêts à retrouver leur région d’origine. Ils se lancent ainsi dans la conception d’un événement prévu fin août à Metz destiné à clôturer en beauté leur tour de France. Il n’y a plus qu’à partir ! Mais avant cela… « Nous avons emmené Sergio dans un garage pour une révision globale, indique Julia. Les freins crissaient un peu, un robinet ne fonctionnait plus, une vis tombait un peu sur une porte… nous voulions faire contrôler tout cela. » Ils n’ont pas été déçus du voyage : pour résoudre ces « petits problèmes », ils ont dû débourser la modique somme de 2 000 euros. Un petit détour au Mont Saint-Michel les aidera à faire passer la pilule.

Sauf que les « problèmes techniques » ne font que commencer. « On a entendu un petit crissement de pneus en repartant du garage, mais on s’est dit que ce n’était rien de bien méchant, relate Jeff. Mais lorsque nous sommes arrivés à Paris deux jours plus tard – pour prendre un café avec une cliente – la première vitesse nous a lâché en plein bouchon. On a donc dû démarrer en seconde et avons décidé à ce moment-là de tracer jusqu’à Metz. »

Fast and furious, les CGP Nomades enchaînent les kilomètres pied au plancher… lorsque la cinquième vitesse les lâche à son tour. « On avait tellement peur de ne pas réussir à redémarrer si on faisait une pause que l’on a changé de conducteur tout en roulant », indique Julia. Quelque 330 km et un PV plus tard, Jeff et Julia arrivent enfin à Metz, à 2 heures du matin. Soit 15 heures après leur départ de Bretagne le matin-même.

la metz est dite

Le lendemain matin, ils déposent Sergio au garage le plus proche. Diagnostic : il faut changer l’embrayage (1 800 euros) et remplacer la boite de vitesse (2 100 euros). Et attendre, bien sûr, que les pièces soient livrées pour commencer l’opération. « Heureusement, une amie a pu nous héberger pendant deux semaines, indique Julia. Une amie qui est aussi une cliente d’ailleurs »

Une fois le camping-car remis sur pied, les CGP nomades ont enfin pu arriver chez eux, à Bettwiller. « Nous ne l’avons plus touché pendant quelques jours », confesse en riant le couple bien heureux de retrouver le confort de son appartement. Mais pas trop longtemps tout de même. « On devait aller voir des clients à Strasbourg lorsqu’on a réalisé que nos téléphones ne chargeaient plus dans le camping-car », se remémore Julia. Une surprise dont ils font fi et leur aller-retour se déroule finalement sans encombre. Quelques jours plus tard, Julia et Jeff retournent à Metz pour finaliser la préparation de leur événement de rentrée. « On voulait se challenger avec une soirée de l’éducation financière qui aurait réuni une centaine de personnes et où nous aurions parlé impôts, crédits et placements sous un format original, explique Jeff. L’idée était de créer une nouvelle dynamique pour notre activité en septembre. »

« c’était la misère ! »

Mais Sergio en a décidé autrement. « D’un coup, le frigo a cessé de fonctionner, l’eau ne tirait plus, il n’y avait plus de lumière, on était en pleine canicule et on devait se doucher avec des bouteilles d’eau », relate Julia. « C’était la misère ! », l’interrompt Jeff, mi-amusé mi-exaspéré.

Le couple tente de s’accommoder de ces conditions plus que spartiates mais se résout au bout de quelques jours à annuler leurs rendez-vous professionnels à Metz. Ainsi que leur événement. « Ce n’était juste pas possible », regrettent-ils. Un nouveau tour chez le garagiste les déleste cette fois-ci de 300 euros pour une nouvelle batterie. Ils décident de rentrer chez eux. « Quelques jours plus tard, nous n’arrivions plus à démarrer à cause d’un problème d’antidémarrage. Il a donc fallu prendre rendez-vous avec un technicien du constructeur pour débloquer le véhicule. » Depuis, Sergio n’a pas bougé du jardin, alors que Julia et Jeff se sont autorisé quelques séances d’accro-yoga pour se détendre.

des histoires à raconter

L’heure est désormais au bilan et malgré leurs galères, les CGP Nomades choisissent de voir le bon côté des choses. « Cela nous fait plein d’histoires à raconter aux clients, s’amuse Jeff. D’autant que ces dépenses imprévues servent notre discours, puisqu’elles illustrent l’intérêt d’avoir une épargne de précaution – et de la faire fructifier avec les bons placements – pour faire face aux coups durs. »

Plus globalement, Julia garde de cette année « une expérience enrichissante faite de hauts et de bas ». « J’ai notamment gagné en aisance sur les aspects relationnels du métier », retient-elle. Jeff, de son côté, a également apprécié l’aventure. Même s’il trouve aujourd’hui que la vie en camping-car, « c’est très bien si tu ne travailles pas à côté ». Il reconnait notamment que le fait de devoir rencontrer des clients dans des lieux publics potentiellement bruyants peut porter un coup à son image professionnelle. « Une équipe de rugby a par exemple démarqué dans le hall d’un hôtel où Julia avait un rendez-vous et ils ont bien foutu le dawa », se rappelle-t-il.

plus de clients et plus d’argent

Il est temps de passer au bilan chiffré du périple. Lorsqu’ils sont partis sur les routes, Julia et Jeff s’étaient fixé comme but de s’approcher le plus possible du seuil de 100 clients chacun en portefeuille. « C’est notre objectif à moyen terme », précise Julia. Certes, le compte n’y est pas encore. Julia comptait en effet 42 clients et Jeff 61 à la clôture de leur exercice comptable 2021/2022, qui coïncide avec les dates de leur road trip. Mais c’est tout de même presque deux fois plus que le nombre de leurs clients initiaux : 23 et 37. Alors que Julia se dit « pas supra-excitée » de ce bilan, Jeff préfère voir le verre à moitié plein : « C’est une bonne surprise, je ne pensais pas avoir signé autant de nouveaux clients ! »

Autre motif de satisfaction, les CGP Nomades ont aussi quasiment doublé leur volume d’encours conseillés. À fin août 2021, celui-ci avoisinait en effet 242 000 euros. Douze mois plus tard, il approche 442 000 euros. Et ce, sans tenir compte des fluctuations des marchés.

un modèle économique réinventé

Mais est-ce suffisant pour se verser un salaire digne de ce nom ? Pas vraiment. « Les près de 200 000 euros de versements initiaux de nos clients sur des produits d’investissement nous ont permis de toucher 4 800 euros de commissions sur l’exercice fiscal. Ensuite, le pourcentage de leurs versements réguliers nous rapporte quelque 1 100 euros annuels pour un encours total de 442 000 euros », détaille Julia.

À ces 5 900 euros se sont ajoutés 2 200 euros récupérés pour avoir assuré la formation d’autres CGP et 2 000 euros provenant de commissions de financement et de la vente de produits G3F, c’est-à-dire utilisant le dispositif fiscal Girardin Industriel. Le couple a donc réalisé un chiffre d’affaires global de 10 100 euros en douze mois.

Prenant conscience de l’insuffisance de tels revenus pour vivre avec un minimum de confort, les CGP Nomades ont affiné leur modèle économique au fil de leur périple. Ils accordent ainsi désormais une place croissante aux investissements immobiliers, et en particulier au dispositif Pinel.

Le duo compte ainsi poursuivre son activité avec de nouveaux axes clairs. « L’immobilier nous apportera des revenus conséquents au cas par cas, alors que les versements programmés nous assureront un minimum de revenus « passifs » récurrents, que nous estimons entre 200 et 300 euros par mois », détaille Jeff.

se sédentariser ou ne pas se sédentariser

Après une année qu’ils qualifient de « charnière », les CGP Nomades sont plus déterminés que jamais à poursuivre leur aventure dans la gestion de patrimoine. Mais toujours à leur manière. Pas question donc dans l’immédiat de s’installer dans une ville pour y ouvrir un bureau. Les deux tourtereaux ont en effet organisé en septembre la « rentrée de l’investissement », successeur de leur événement estival annulé.

« Toujours dans l’optique de faire de l’éducation financière, nous avons proposé des rendez-vous individuels durant un mois à des personnes qui souhaitaient découvrir notre activité et apprendre les bases de l’investissement, explique Julia. À la suite de ce premier échange, nous pouvions programmer d’autres sessions pour analyser leurs besoins patrimoniaux spécifiques et leur proposer des solutions adaptées à ceux-ci. »

Petite particularité : ces premiers échanges se sont exclusivement déroulés en visio. Et pour cause, le couple est déjà reparti sur les routes ! « On est pour l’instant allés en Haute-Savoie et en Ardèche », confient-ils.

goodbye sergio

Les CGP Nomades n’ont donc manifestement pas l’intention de se sédentariser. Mais ils ne comptent pas non plus réitérer l’expérience des douze derniers mois à l’identique. Ce n’est pas peu dire, puisque leur première décision a été de se séparer… de Sergio ! « La vie en camping-car est agréable mais c’est trop compliqué pour travailler », justifie Jeff.

Le couple a ainsi mis son véhicule emblématique en vente et a acheté une voiture pour le remplacer. Celle-ci leur permettra de repartir sur la route tout en se logeant dans des appartements loués via des plateformes comme Airbnb. Les CGP Nomades ont par ailleurs l’intention de limiter leurs déplacements. « Nous avons compris qu’il valait mieux rester plusieurs mois dans une ville pour bien se familiariser avec les lieux et nouer des relations commerciales durables », explique Jeff.

à la revoyure !

Cet enseignement découle notamment du modus operandi très particulier des CGP Nomades en matière de prospection. « Nous avons en effet rencontré quasiment tous nos clients en participant à des événements non professionnels organisés par le biais d’applications de rencontres amicales, révèle Julia. Il peut s’agir de soirées karaoké, de randonnées ou encore de parties de jeux de société. »

À force de rencontrer de nouvelles personnes dans un cadre décontracté et informel, les deux CGP Nomades ont ainsi noué de nouvelles amitiés… et gagné des clients. Soit directement lors de ces événements, soit sur recommandation des personnes avec lesquelles ils échangeaient. Leur implication dans l’animation du réseau de leur application fétiche – la française Frimake – a été telle qu’ils se sont même retrouvés un temps en page d’accueil de celle-ci.

Munis de leur arme fatale et du réseau qu’ils ont construit ces douze derniers mois, Julia et Jeff s’apprêtent ainsi à retourner à Montpellier pour y passer quatre mois.

Ils poseront ensuite leurs valises en Alsace, également durant quatre mois, puis en Haute-Savoie. « Après, on verra ! », lancent-ils. Leur agenda comporte en tout cas déjà un rendez-vous : un épisode spécial « Que sont-ils devenus ? » sur News Asset Pro. À dans un an !

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Après des études en science politique entre Lausanne, Vancouver et Paris, Guillaume décroche son premier job de journaliste à la radio suisse LFM. Concomitamment, la crise des subprimes éclate et donne à ce fils de facteur l’envie de mieux comprendre le monde de l’économie et de la finance. Il rejoint en 2009 le magazine suisse d’asset management Banco, puis Option Finance, Le Revenu et News Asset Pro. Bien que Haut-savoyard, Guillaume ne sait pas skier.